Nos publications : restez à jour et informé sur la finance d'entreprise et le droit du travail.

Newsletter #44

Rédigé par Equipe HERA Groupe | 6 août 2025 05:57:03

EN CHIFFRES

 

16 milliards d'euros

C’est le déficit prévisionnel de la branche Assurance maladie pour l’année 2025, selon le  rapport publié en juin 2025 à la Commission des comptes de la Sécurité sociale, portant sur les résultats de 2024 et les projections pour 2025.


Ce déficit, en constante aggravation depuis 2019, constitue l’un des principaux moteurs des réformes annoncées par le Gouvernement, visant à contenir les dépenses de santé et à rééquilibrer les comptes sociaux.

 

À LA UNE 

 

Projet de suppression de la visite médicale de reprise par le médecin du travail, sauf en cas d’AT-MP

Lors de la présentation de ses orientations budgétaires pour 2026, le 15 juillet dernier, le Premier Ministre François BAYROU a annoncé vouloir supprimer l’obligation pour l’employeur d’organiser une visite médicale de reprise par le médecin du travail, hors AT-MP.

L’idée est de confier la décision de reprise au médecin de ville (traitant ou spécialiste), notamment après un arrêt maladie de longue durée.

Rappel : actuellement, une visite de reprise est obligatoire pour tout arrêt non professionnel d’au moins 60 jours.

 

IJSS : limitation de la durée des premiers arrêts de travail à 15 jours, et à 30 jours en cas de sortie d’hospitalisation 

Dans un entretien au « Monde », paru le 26 juillet dernier, la ministre de la Santé et du Travail, Catherine VAUTRIN, a détaillé les pistes du gouvernement pour économiser 5,5 milliards d’euros sur les dépenses de santé. 

Parmi ces pistes, la ministre a annoncé vouloir limiter la durée maximale du premier arrêt de travail à 15 jours lorsqu’il est prescrit par le médecin de ville, et à 30 jours à la sortie d’hospitalisation. Cette annonce a suscité de vives réactions de la part des syndicats de médecins, estimant que cette décision empiète sur leurs prérogatives.

L’objectif est de faire baisser le coût des arrêts maladie pour la sécurité sociale. Il est également question de renforcer les jours de carence, après une négociation entre partenaires sociaux. En effet, en 2024, 20 milliards d’euros ont été dépensés par l’Assurance Maladie au titre des indemnités journalières. Ce montant est en forte hausse, avec une progression à 63% en 2025.

Entretien de Catherine Vautrin : « Nous souhaitons limiter tout premier arrêt de travail prescrit en médecine de ville à quinze jours », Le Monde

 

ACTUALITÉS SOCIALES

Participation obligatoire des employeurs aux contrats d'apprentissage : le ministère du Travail précise les modalités d'application

Depuis le 1er juillet 2025, tout employeur concluant un contrat d’apprentissage pour une formation de niveau Bac + 3 ou plus doit verser une participation obligatoire de 750 € pour la première année du contrat. Instituée par la loi de finances 2025 et précisée par le décret du 27 juin 2025, cette contribution est facturée par le CFA à l’issue de la période probatoire de 45 jours de formation pratique en entreprise (art. L. 6222-18 et R. 6332-25-2 du Code du travail).

Le ministère du Travail a précisé, exemples à l’appui, les conditions d’application :

- Rupture pendant la période probatoire : la participation est réduite à 50 % du niveau de prise en charge correspondant à la période exécutée, dans la limite de 750 €.
Exemple : pour un contrat dont le niveau de prise en charge est de 8 000 €, rompu après 45 jours, la participation due est de 493 € (8 000 ÷ 365 × 45 × 50 %).

- Nouveau contrat à la suite de la rupture du contrat initial : la participation est portée à 200 € pour le nouvel employeur.

- Changement de CFA : si le changement intervient pendant la période probatoire, la participation est due au CFA qui poursuit la formation. Après la période probatoire, aucune nouvelle participation n’est exigée.

- Changement de certification : une nouvelle participation à taux plein est due pour le nouveau contrat conclu, sauf en cas de changement de parcours au sein d’un BUT, avec le même employeur et le même CFA (aucune nouvelle contribution).

- Contrat d’apprentissage saisonnier : la participation n’est exigible qu’une seule fois pour l’ensemble du contrat, même si celui-ci vise l’obtention de deux qualifications professionnelles.

Ces précisions visent à sécuriser les pratiques des employeurs et des CFA, notamment dans les cas de ruptures ou de modifications du contrat en cours d’exécution.

 

PANORAMA JURISPRUDENTIEL

Un salarié peut-il obtenir, avant tout procès, la communication de documents concernant d’autres salariés pour prouver une discrimination ? 

OUI, sous conditions. 

Lorsqu’un salarié invoque une situation de discrimination, la loi organise un mécanisme probatoire spécifique, en deux étapes (C. trav., art. L. 1134-1) :

- D’abord, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination ;
- Ensuite, au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Pour constituer ces éléments, le salarié peut recourir à l’article 145 du Code de procédure civile, qui permet, avant tout procès, d’obtenir des mesures d’instruction lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige.

Dans un arrêt du 18 juin 2025 (Cass. soc., n° 23-23.471), une salariée invoquant une discrimination liée au genre et à l’origine sollicitait, sur ce fondement, la communication de documents relatifs à 12 salariés occupant des fonctions équivalentes afin de constituer un panel de comparaison. La cour d’appel de Versailles avait limité la communication à ces salariés et ordonné l’occultation de données personnelles sensibles (coordonnées bancaires, numéro de sécurité sociale, salaire net).

La Cour de cassation confirme : le juge peut ordonner une telle communication dès lors qu’elle est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve, proportionnée au but poursuivi et qu’elle respecte le principe de minimisation des données à caractère personnel prévu par le RGPD. Il doit, au cas par cas :

- Vérifier l’existence d’un motif légitime et l’absence d’autres moyens de preuve ;
- Restreindre le périmètre des pièces aux seuls faits invoqués ;
- Occulter toutes les dones personnelles non indispensables ;
- Encadrer l’usage des informations aux seules fins de l’action en discrimination.

En l’espèce, la demande était justifiée par l’insuffisance des documents produits par l’employeur et par la pertinence du panel retenu. La mesure, limitée et encadrée, a été jugée conforme au droit à la preuve.

Décision – Pourvoi n° 23-23.471 | Cour de cassation, chambre sociale

Un salarié réintégré après un licenciement nul conserve-t-il ses indemnités de rupture ? 

NON. 

Dans un arrêt du 9 juillet 2025 (Cass. soc., n° 23-21.863 F-D), la Cour de cassation rappelle que lorsqu’un licenciement est annulé et que le salarié demande sa réintégration, le contrat de travail se poursuit comme si la rupture n’avait jamais existé.

Ainsi, le salarié a droit au paiement d’une indemnité compensant la perte de salaires entre la date de son éviction et celle de sa réintégration – cette indemnité pouvant être réduite, à la demande expresse de l’employeur, des revenus d’activité ou remplacement perçus par le salarié pendant cette période - mais il ne peut pas conserver les indemnités de rupture qui lui avaient été versées.

Ainsi, si le salarié a perçu, au moment du licenciement ultérieurement annulé, une indemnité compensatrice de préavis ou une indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, il doit les restituer à l’employeur.

Cette position n’est pas nouvelle (Cass. soc., 28 avr. 2006, n° 03-45.912 ; Cass. soc., 11 juill. 2012, n° 10-15.905) et la Haute juridiction a même jugé récemment que, pour un salarié protégé dont la réintégration est devenue irrévocable, l’employeur peut saisir le juge des référés d’une demande de provision sur la restitution des indemnités de rupture versées lors du licenciement (Cass. soc., 17 mai 2023, n° 21-21.100 F-D).

Décision – Pourvoi n° 23-21.863 F-D | Cour de cassation, chambre sociale