Newsletter #23 Le point sur l'actualité sociale
A LA UNE
Présomption de démission en cas d’abandon de poste : le ministère du travail ne souhaite pas se prononcer avant le Conseil d’Etat
Comme nous vous l’avions indiqué dans notre newsletter n°18, le Ministère du travail a retiré de son site le questions-réponses sur la présomption de démission pour abandon de poste à la suite de la saisine du Conseil d’Etat sur l’interprétation du décret relatif à ce sujet.
Pour rappel, la question est de savoir si l’employeur conserve la possibilité d’opter pour un licenciement ou s’il est contraint de considérer le salarié qui abandonne son poste comme démissionnaire.
Le Ministre du travail a été interrogé à ce sujet dans le cadre des questions parlementaires suivantes : « La présomption de démission est-elle exclusive du droit à licencier le salarié pour faute ? », « Une modification du décret n° 2023-275 est-elle prévue pour préciser les termes de la présomption de démission ? ».
Le Ministre du travail estimant qu'il était prématuré de se prononcer sur l'issue à donner à la suite des recours devant le Conseil d'État, a refusé de répondre à ces questions.
Il sera donc nécessaire d’attendre que le Conseil d’Etat statue sur ce sujet.
PLFSS : deux amendements relatifs aux réductions de charges patronales
Dans ce cadre de l’examen de la PLFSS 2024, deux amendements ont été proposés par un député Renaissance et vise à modifier le régime actuel des réductions de charges patronales afin de contenir l’envolée du montant des exonérations au cours des deux dernières années.
Le premier amendement proposé vise à mettre fin aux réductions de cotisations familiales dont les employeurs bénéficient pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 SMIC compte tenu des retombées « quasiment » inexistantes sur l’emploi et « difficilement décelables sur la compétitivité des entreprises ».
Le deuxième amendement a pour objet d’augmenter le seuil d’éligibilité des exonérations de cotisations sur les bas salaires (réduction générale) en le faisant passer de 1,60 SMIC à 1,64 SMIC, et ce, afin de faciliter les embauches.
LE SAVIEZ-VOUS ?
Un décret du 14 octobre 2023 a permis d’améliorer la prise en charge des conséquences des expositions professionnelles à l'amiante en créant le tableau n° 30 ter relatif aux cancers du larynx et de l'ovaire provoqués par l'inhalation de poussières d'amiante.
Ce décret précise également la liste des travaux susceptibles de provoquer ces maladies ainsi que le délai de prise en charge de chacune des maladies.
D. n° 2023-946, 14 oct. 2023 : JO, 15 oct.
EN CHIFFRES
+5,4%
Correspond à l’augmentation du plafond de la Sécurité Sociale, qui s’élèvera, à compter du 1er janvier 2024, à 46 368€ (cf. Newsletter #22).
Par conséquent, la gratification des stagiaires, qui est égale, en l’absence de convention de branche ou d’accord professionnel étendu plus favorable, à 15% du plafond horaire de la sécurité sociale (soit, 29€), se trouvera également augmenté. Cette dernière s’élèvera à 4,35€ par heure, contre 4,05€ actuellement.
Ces chiffres doivent toutefois être confirmés par un arrêté publié au journal officiel avant la fin de l’année.
Communiqué du Bulletin officiel de la sécurité sociale du 12 octobre 2023
PANORAMA JURISPRUDENTIEL
Supplément d’intéressement et de participation : le bénéfice des exonérations est-il conditionné à la conclusion d’un accord spécifique ?
OUI. Pour rappel, le versement du supplément de réserve spéciale de participation ou d’intéressement peut être décidé par l’employeur de manière unilatérale. Ces modalités de versement sont généralement spécifiées dans les accords initiaux.
A l’occasion d’un arrêt de la Cour de cassation, les juges ont précisé que « lorsqu'un accord d'intéressement a été négocié dans l'entreprise, l'employeur peut mettre en œuvre un supplément d'intéressement qu'en application d'un accord spécifique dont l'objet est de prévoir les modalités de répartition du supplément d'intéressement »
Ainsi, les juges semblent subordonner le bénéfice des exonérations liées au versement du supplément d’intéressement et de participation à l’existence d’un accord spécifique régulièrement déposé, alors même que l’accord initial prévoyait des modalités de répartition identiques.
Dans l’attente d’éventuelles précisions qui seront fournies par la lettre trimestrielle de la Cour de cassation, il est recommandé d’accompagner systématiquement la mise en place d’un supplément d’intéressement ou de participation d’un accord spécifique déposé sur la plateforme Téléaccords dans les mêmes conditions que l’accord de participation ou d’intéressement.
Cass. 2e civ., 19 oct. 2023, n° 21-10.221
Dans le cadre d’un contrôle URSSAF, l’agent peut-il demander des documents directement aux salariés ?
NON, à moins qu’ils n’aient reçu une autorisation expresse l’employeur.
En l’espèce, lors d’un contrôle URSSAF, une inspectrice de recouvrement a demandé à une salariée affectée au service comptable de l’entreprise un tableau portant sur l’application de la réduction de cotisations sociales sur les bas salaires pour certains salariés de l’entreprise. Or, cette dernière n’avait pas reçu d’autorisation de l’employeur en ce sens, et le tableau fourni à l’inspectrice n’était pas non plus mentionné dans la lettre d’observations.
A cette occasion, la Cour de cassation a clairement énoncé qu’un agent de contrôle ne peut demander de documents à un salarié n’ayant pas reçu de délégation de l’employeur et la lettre d’observations doit lister tous les documents consultés au cours de celui-ci.
Bien que l’agent puisse, au cours d’un contrôle, interroger les salariés de l’entreprise sur les lieux de travail, la Cour distingue le droit d’audition des salariés et le droit de communication de documents, qui ne s’exerce qu’à l’égard de la personne contrôlée, et donc l’employeur, ou son représentant légal.
Par conséquent, le contrôle et le redressement subséquent de l’agent de contrôle est annulé.
Cass. 2e civ., 28 sept. 2023, n° 21-21.633
Licéité de la preuve : l’employeur peut il utiliser une photographie provenant d’un compte Messenger privé à l’appui d’un licenciement
Est-ce qu’une photo publiée sur un groupe Messenger privé peut être utilisée par l’employeur pour fonder un licenciement pour faute grave ?
OUI. En l’espèce, deux infirmières avaient été licenciées pour faute grave pour s’être prises en photo en maillot de bain sur le lieu de travail et durant leur temps de travail.
L’employeur avait eu connaissance de ces faits car une aide-soignante appartenant à un groupe privé « Messenger » sur lequel les photographies des salariées en maillot de bain avaient été partagées l’en avait informé.
Les deux salariés ont contesté leur licenciement car elles estimaient que ce dernier reposait sur des photographies privées dont elles n’avaient pas autorisé la diffusion sur le groupe privé « Messenger ».
Aussi, elles considéraient que la production de ces photos en tant que preuve portait atteinte à leur vie privée et n’était non seulement pas indispensable à l’exercice du droit de la preuve de leur employeur mais qu’en outre, elle n’était pas proportionnée au but poursuivi.
La Cour de cassation rappelle qu’un moyen de preuve illicite n’est pas nécessairement rejeté des débats. En effet, il appartient au juge d’apprécier si la preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure.
Pour cela, le juge doit mettre en balance le droit au respect de la vie privée et le droit à la preuve. La production d’éléments portant atteinte à la vie privée du salarié doit être indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cela est le cas en l’espèce puisque le but poursuivi est la défense de l’intérêt légitime de l’employeur est la protection de la santé des patients dont les infirmières avaient la charge.
Ainsi, dans la mesure où ces photographies témoignent d’un comportement contraire aux obligations professionnelles des salariés, leur licenciement pour faute grave était justifié.
Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-25.452
Licenciement et vie personnelle : La commission d’infractions au volant d’un véhicule de fonction ne justifie pas nécessairement un licenciement
Est-ce qu’un salarié qui commet des infractions avec son véhicule de fonction lors de son trajet pour aller au travail peut faire l’objet d’un licenciement ?
NON. Pour rappel, un salarié ne peut pas être licencié pour un fait relevant de sa vie personnelle sauf si ce fait constitue un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail ou s’il se rattache à la vie professionnelle.
En l’espèce un salarié qui avait commis 4 infractions sur le trajet de son lieu de travail et au volant de son véhicule de fonction avait été licencié par son employeur.
Son employeur estimait que ces infractions se rattachaient à sa vie professionnelle, ce que contestait le salarié qui considérait son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour de cassation a donné raison au salarié en considérant que lorsque les infractions ont été commises, le salarié n’était pas à disposition de son employeur et hors de son temps de travail effectif.
La Cour de cassation a également souligné que l’outil de travail mis à la disposition du salarié, à savoir son véhicule de fonction, n’avait subi aucun dommage matériel du fait des infractions. Aussi, « le comportement de l'intéressé n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien ».