Newsletter #25 Le point sur l'actualité sociale
A LA UNE
Loi « Partage de la valeur » : les principales mesures à retenir
La loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise a été promulguée le 29 novembre 2023. Nous vous présentons ses principales mesures :
Nouvelles modalités applicables à la prime de partage de valeur
La loi apporte des modifications à la prime de partage de valeur.
Tout d’abord, il est désormais possible de verser aux salariés deux primes de partage de valeur durant la même année civile. Ce versement doit s’effectuer dans le respect des plafonds d'exonération de cotisations sociales, à savoir :
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3000 € par salarié et par an ;
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6000 € par salarié et par an si l'employeur met en œuvre, à la date de versement des primes, ou a conclu un dispositif d'intéressement ou de participation.
En outre, pour les entreprises de moins de 50 salariés, le régime fiscal de faveur est prolongé jusqu’au 31 décembre 2026.
Ainsi, pour les entreprises de moins de 50 salariés, les primes de partage de la valeur versées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2026 aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, une rémunération inférieure à 3 Smic annuel resteront exonérées :
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De cotisations sociales (comme cela est le cas pour l’ensemble des sociétés) ;
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Mais aussi de l'impôt sur le revenu, de la CSG/CRDS et de la taxe sur les salaires.
Les primes de partage de valeur versées par les autres entreprises de plus de 50 salariés seront quant à elles intégralement soumises à l'impôt sur le revenu et à la CSG/CRDS.
Enfin, à compter du 1er décembre 2023, le salarié bénéficiaire d’une prime de partage de valeur peut choisir d’affecter tout ou partie de cette prime dans un plan d’épargne salariale dans l'hypothèse où l'entreprise a mis en place ce système d'épargne collectif.
Création de la prime de partage de la valorisation de l’entreprise
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Objet
Le plan de partage de la valorisation de l'entreprise permet aux salariés de bénéficier d'une prime d'un montant plafonné au titre d'un même exercice, dans l’hypothèse où la valeur de l'entreprise a augmenté pendant la durée de 3 ans fixée par le plan.
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Mise en place du dispositif
Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise est mis en place pour une durée de trois ans par un accord collectif établi sur la base d’un rapport spécial du commissaire au compte.
L’employeur ne peut pas décider unilatéralement de mettre en place ce dispositif.
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Valeur de l’entreprise
Pour les entreprises non cotées, la formule de valorisation de l'entreprise est déterminée par l'accord et doit être identique au début et à la fin de la période de 3 ans.
La formule de valorisation doit tenir compte :
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De la situation nette comptable,
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De la rentabilité,
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Des perspectives d'activité.
Le taux de variation de la valeur de l'entreprise correspond ensuite au taux de variation constaté entre la valeur de l'entreprise déterminée à une date fixée par l'accord instituant le plan et la valeur de l'entreprise à l'expiration d'un délai de 3 ans.
Si ce taux est négatif ou nul, aucune prime n’est distribuée aux salariés.
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Montant de référence
Le montant de référence constitue la base de calcul de la prime. Il est fixé par l'accord instituant le plan, pour chaque salarié et peut être modulé en fonction :
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De la rémunération des salariés ;
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De leur niveau de classification ;
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De la durée de travail prévue à leur contrat de travail.
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Régime social et fiscal de la prime
Les primes versées au cours des exercices 2026 à 2028 sont exonérées :
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Des cotisations sociales salariales et patronales ;
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Des contributions dues au titre de la formation professionnelle continue ;
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De l’application du forfait social ;
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Et de la participation patronale à l'effort de construction.
Les primes sont cependant soumises à la CSG/CRDS.
La prime est imposable sauf si elle est affectée en tout ou partie à un plan d'épargne salariale ou d'épargne retraite d'entreprise. Dans cette hypothèse, elle bénéficie d'une exonération d'impôt sur le revenu dans la limite de 5% des trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS).
Nouvelle obligation de négocier sur les bénéfices exceptionnels
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Pour les entreprises de 50 salariés et plus
Les entreprises dotées d’au moins un délégué syndical et soumises à l’obligation de mettre en place un régime de participation ont l’obligation de négocier sur les conséquences d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal s’agissant du partage de la valeur.
La négociation doit porter sur :
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La définition d’une « augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal » en prenant en compte les critères légaux tels que la taille et le secteur d’activité de l’entreprise, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice net ;
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Les modalités de partage de valeur découlant de cette augmentation.
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Pour les entreprises de 11 à 49 salariés
Ces entreprises auront la possibilité de mettre en place un dispositif de participation pouvant être moins favorable que la formule légale.
En outre, les entreprises dont le bénéfice net fiscal d’au moins 1% de leur chiffre d’affaires pendant trois exercices consécutifs auront l’obligation de mettre en place au moins un dispositif de partage de la valeur.
Il s’agit d’une obligation expérimentale d’une durée de 5 ans qui s’applique aux exercices à compter du 1er janvier 2025. Les trois exercices précédents (soit 2024, 2023 et 2022 pour des exercices civils) sont pris en compte pour l'appréciation du respect de la condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal.
Titres-restaurants : reconduction de la mesure dérogatoire pour l'achat de produits alimentaires
La mesure dérogatoire permettant d’utiliser les titres-restaurants pour l’achat de produits alimentaires non directement consommables, qui doit s’éteindre au 31 décembre 2023 prochain, devrait finalement être reconduite pour l’année 2024.
La proposition de loi portant sur ce sujet doit encore être votée par le Sénat, le 18 décembre prochain, pour une entrée en vigueur effective au 1er janvier 2024
Quels sont les impacts de la loi « Justice 2023 2027 » sur la procédure de saisie sur salaire ?
La loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui a été validée par une décision du Conseil constitutionnel du 16 novembre 2023, vient d’être publiée. Les modalités de mise en œuvre de la réforme doivent être précisées par un décret en Conseil d'État, pour une entrée en vigueur prévue le 1er juillet 2025 au plus tard.
Cette réforme vient remanier la procédure de saisie sur rémunération (saisie sur salaire), qui, pour rappel, est une procédure qui consiste à prélever une partie du salaire d'un salarié, quel que soit son contrat de travail, pour rembourser sa dette. L'employeur verse directement une partie de la rémunération du salarié au créancier.
Postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme, la procédure ne sera plus de la compétence du tribunal judiciaire, mais sera confiée aux commissaires de justice.
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Jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme
L’employeur qui doit effectuer une saisie sur salaire, en est informé par la réception d’un acte de saisie, et devra dès lors :
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déclarer certaines informations auprès du tribunal ;
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procéder au calcul de la retenue sur salaire à opérer, conformément au barème de saisie sur salaire fixé par le code du travail (part saisissable) ;
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verser au greffe du tribunal, la somme saisissable, jusqu’à la fin de saisie notifiée par le greffier.
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Après l’entrée en vigueur de la réforme
En l’absence d’accord entre le créancier et le salarié-débiteur, l’employeur qui devra effectuer une saisie sur salaire en sera informé par un procès-verbal de saisie (auparavant, un acte de saisie), et devra dès lors :
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déclarer au commissaire de justice (auparavant, au greffe du tribunal judiciaire), les informations habituelles ainsi que le montant de la rémunération du salarié ;
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procéder au calcul de la retenue sur salaire à opérer, conformément au barème de saisie de salaire ;
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verser mensuellement les sommes au commissaire de justice répartiteur (auparavant, au greffier du tribunal).
Il est à noter que l’employeur encourt, en cas d’absence de déclaration ou de déclaration mensongère, à une amende civile pouvant aller jusqu’à 10 000 €, et à des dommages et intérêts.
Aussi, si l’employeur n’effectue pas ces versements, il peut être condamné à rembourser partiellement la dette de son salarié.
Saisie sur salaire : impacts de la loi « justice 2023 2027 »
LE SAVIEZ-VOUS ?
EN CHIFFRES
0,20 %
Dans un communiqué en date du 27 novembre 2023, le Conseil de l’Administration a annoncé que le taux de cotisation de l’assurance garantie des salaires (AGS) passait de 0,15 % à 0,20 % à compter du 1er janvier 2024.
Pour rappel, la cotisation AGS est une contribution patronale qui permet d’assurer le paiement de la rémunération des salariés en cas de défaillance de l’entreprise. Son taux n’avait pas été augmenté depuis 2017.
Le dynamisme de la négociation collective en 2022
Le bilan annuel de la négociation collective au titre de l’année 2022 fait état d’une augmentation du nombre d’accords d’entreprise conclus de 15,3%, et de 17% dans les entreprises dépourvues de délégué syndical. De même, la négociation de branche atteint un niveau historiquement haut avec près de 1 500 textes enregistrés.
Cette forte hausse est portée par la négociation salariale, essentielle dans un contexte de hausse des prix pour soutenir le pouvoir d’achat. Ainsi, 46 % des accords de branche portent exclusivement sur les salaires. Enfin, 98 % des salariés sont couverts par une convention collective pour leurs conditions de travail et leurs salaires.
PANORAMA JURISPRUDENTIEL
Est-ce que le seul dépassement de la durée maximale du travail ouvre droit à une réparation ?
OUI. En l’espèce, une salariée avait effectué un volume d’heures supplémentaires excédant la durée maximale hebdomadaire et demandait réparation du fait de ce dépassement.
La cour d’appel considère que ces heures ayant été réglées et que la salariée ne justifiant d’aucun préjudice, l’employeur n’avait pas à lui verser des dommages et intérêts.
La cour d’appel adopte une position contraire en considérant que le seul constat du dépassement de la durée maximale ouvre droit à réparation.
Aussi, la salariée n’avait pas à justifier d’un préjudice pour prétendre à une réparation.
Cass. soc. 8 nov. 2023, n° 22-19.080
Un employeur est-il fondé à effectuer un recours, à l’encontre de son salarié, en cas de positionnement abusive de ses heures de délégation ?
OUI. Un délégué syndical, embauché à la RATP, disposait de 20 heures de délégation mensuelle. Ce dernier positionnait ses heures de délégation par fractionnement de 30 minutes, en dehors de ses heures habituelles de prise de service, fixées de 18h15 à 1h30.
Cependant, le positionnement de ces heures ne permettait pas au salarié de respecter son repos quotidien, qui pour rappel, est de 11 heures. En effet, cette façon de procéder avait pour effet « d’interrompre par deux fois le temps de repos obligatoire de 11 heures consécutives et d'empêcher, en application des règles statutaires régissant le temps de travail des agents de la RATP, sa prise de service à 18h15 ».
Dans une décision en date du 28 novembre 2023, la chambre sociale rappelle que l’exercice d’un droit, quel qu’il soit, ne doit pas dégénérer en abus. Concrètement, l’abus de droit, est le fait, pour une personne de commettre une faute par le dépassement des limites d'exercice d'un droit qui lui est conféré, soit en le détournant de sa finalité, soit dans le but de nuire à autrui.
Au regard des éléments fournis par l’employeur, les juges vont effectivement reconnaître un « un abus de droit quant au positionnement par le salarié de ses heures de délégation », qui est condamné en conséquence au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive de ses heures de délégation.