Newsletter #45

 

À LA UNE 

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Démission de François BAYROU et nomination de Sébastien LECORNU à Matignon : quels impacts ?

Le 8 septembre, l’Assemblée nationale a refusé la confiance au Premier ministre François BAYROU (364 voix contre, 194 pour). Celui-ci a présenté la démission de son gouvernement au président de la République, qui a nommé Sébastien LECORNU comme nouveau Premier Ministre.

Le budget 2026

Le dépôt du projet de loi de finances demeure encadré par une loi organique : il doit intervenir au plus tard le 7 octobre 2025. Le Parlement dispose de 70 jours maximum pour son examen. En cas de dépassement des délais, le gouvernement pourrait recourir aux procédures prévues par la Constitution et la LOLF, notamment une loi spéciale, comme en 2025, autorisant la perception des impôts.

Les chantiers sociaux en cours

Plusieurs réformes sociales se trouvent désormais dans l’incertitude. Le projet de loi Seniors, quasiment finalisé, dépend d’un dernier vote de l’Assemblée nationale : le nouveau gouvernement devra choisir de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour ou de le reporter. Les réformes annoncées en juillet 2025 (suppression de jours fériés, réforme de l’assurance chômage, encadrement des arrêts maladie) n’ont pas encore donné lieu à un texte législatif ; leur devenir repose sur les orientations politiques du nouveau gouvernement et sur les discussions à venir avec les partenaires sociaux. Quant aux mesures complémentaires de la réforme des retraites, qui devaient être intégrées au PLFSS 2026, leur sort dépendra directement des arbitrages de la nouvelle majorité gouvernementale. Enfin, la transposition de la directive européenne sur la transparence des rémunérations, dont la concertation a été interrompue, nécessitera une révision du calendrier législatif. 

 

ACTUALITÉS SOCIALES

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Réforme des allégements généraux de cotisations patronales : le décret est paru !

Pour rappel, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 (LFSS 2025) prévoyait une refonte progressive du dispositif des exonérations générales de cotisations patronales en deux temps.

En 2025, cette réforme s’est traduite par un aménagement des paramètres de la réduction générale et une diminution des plafonds de rémunération ouvrant droit aux réductions de taux sur les cotisations patronales d'assurance maladie (-6 pts jusqu’à 2,25 SMIC) et d'allocations familiales (- 1,8 pt jusqu'à 3,3 SMIC), hors cas des salariés bénéficiant d’exonérations spécifiques comme la LODEOM.

À compter du 1er janvier 2026, la réduction générale de cotisations patronales, dite « Fillon », qui s’appliquait jusqu’ici de manière dégressive jusqu’à 1,6 SMIC, sera remplacée par une réduction unique englobant également les allégements sur les cotisations famille et maladie. Cette réduction nouvelle génération s’appliquera aux rémunérations allant jusqu’à 3 SMIC et prendra la forme d’une réduction dégressive, avec un montant maximal au niveau du SMIC et une extinction à 3 SMIC. Le SMIC retenu dans la formule sera désormais le SMIC effectivement en vigueur au cours de la période d’emploi, et non plus le SMIC gelé à une valeur antérieure.

Articulation avec l’exonération LODEOM

Le décret a également tiré les conséquences de cette réforme sur certaines exonérations spécifiques, dont la LODEOM. Jusqu’à présent, les textes renvoyaient directement aux paramètres techniques de la réduction générale. La refonte de 2026 risquait donc d’affecter mécaniquement le calcul des exonérations ultramarines.

A compter du 1er janvier 2026, les articles du code de la sécurité sociale relatifs à la LODEOM seront désormais déconnectés des paramètres de la réduction générale, afin que la réforme n’impacte pas le barème LODEOM.

Décret n° 2025-887 du 4 septembre 2025 relatif aux modalités d'applications de différents dispositifs de réduction et d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale - Légifrance 

 

L’arrêté du 4 septembre 2025 acte la suppression totale de la DFS au 31 décembre 2025 

Un arrêté du 4 septembre 2025, publié au Journal officiel le 6 septembre, refond le régime des frais professionnels déductibles de l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Il abroge l’arrêté du 20 décembre 2002, jusque-là applicable, et en reprend la majorité des dispositions à droit constant.

L’arrêté programme la disparition totale des déductions forfaitaires spécifiques (DFS) pour frais professionnels. L’extinction s’échelonnera entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2031, avec une suppression définitive au 1er janvier 2032.

La DFS permet à l’employeur, pour une liste limitative de professions d’appliquer un abattement sur l’assiette des cotisations sociales, dans la limite de 7 600 € par an et par salarié. Ces déductions ne s’appliquent pas à la base CSG/CRDS. Les taux varient selon les professions.

Depuis le 1er avril 2023, le BOSS impose que la DFS ne soit applicable que si le salarié supporte réellement des frais professionnels. Une simple appartenance à une profession ouvrant droit à DFS ne suffit plus, l’employeur devant détenir les justificatifs nécessaires (BOSS, Frais professionnels, §§ 2130 et 2140).

Toutefois, huit secteurs concernés par cette règle bénéficiaient d’une dérogation avec extinction progressive : propreté, casinos et cercles de jeux, construction, transport routier de marchandises, spectacle vivant et enregistré, aviation civile, journalistes et VRP. Dans ces professions, la DFS pouvait encore être appliquée même sans frais réels, mais avec un taux réduit progressivement chaque année jusqu’à disparition.

L’arrêté du 4 septembre 2025 reprend ce mécanisme et l’étend à toutes les professions éligibles à la DFS : entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2031, le taux de déduction applicable à chaque profession sera réduit chaque année de 15 % du taux en vigueur en 2025.

Au 1er janvier 2032, la DFS sera définitivement supprimée.

 

Congés payés : la Cour de cassation se met enfin en conformité avec le droit européen

Par deux arrêts rendus le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a mis fin à la controverse autour des congés payés du droit de l’Union européenne. Elle aligne désormais le droit français sur le droit européen sur deux points majeurs :

- Le droit au report des congés en cas de maladie survenant au cours des congés payés ;

- La prise en compte des congés payés dans le calcul du seuil déclenchant les heures supplémentaires.

Report des congés payés en cas d’arrêt maladie pendant les congés

Par sa décision du 10 septembre 2025 (Cass. soc. n° 23-22.732), la Cour de cassation reconnaît désormais le droit au report des jours de congés payés lorsqu’ils coïncident avec un arrêt maladie, à condition que le salarié ait informé son employeur. Très attendue, cette décision met fin à une jurisprudence constante depuis 1996 (Cass. soc., n° 93.44-907), qui n’autorisait le report que si la maladie débutait avant la prise des congés et se prolongeait durant ces derniers. 

Cette jurisprudence était en effet devenue contraire au droit européen qui, depuis 2009, distingue la finalité des congés payés, dédiés au loisir, et celle de l’arrêt maladie, destiné à la guérison (CJUE, 20 janvier 2009, aff. 350/06 et 520/06 et CJUE, 21 juin 2012, aff. 78/11) et reconnaît le droit au report des congés en cas de maladie.

La cour d’appel de Versailles avait alors déjà amorcé ce revirement en reconnaissant le droit au report des congés payés dans un arrêt rendu le 18 mai 2022, tandis que le ministère du Travail recommandait aux entreprises de ne plus appliquer la jurisprudence de 1996 afin d’éviter les litiges.

C’est dans ce contexte que la Commission européenne avait mis en demeure la France, le 18 juin 2025, de se conformer au droit communautaire. La Cour de cassation a désormais aligné la position française sur le droit européen.

Si cet arrêt apporte une clarification importante, il soulève néanmoins plusieurs questions pratiques, notamment sur le régime précis du report, les délais de prescription applicables et les modalités d’application en paie. Pour la Sécurité sociale, déjà déficitaire, cette évolution pourrait en outre générer un coût supplémentaire lié à l’augmentation prévisible des arrêts.

Décision – Pourvoi n° 23-22.732 | Cour de cassation, chambre sociale

Heures supplémentaires : les congés payés intégrés dans le calcul du seuil hebdomadaire

Jusqu’à lors, en droit français, le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires ne tenait uniquement compte du temps de travail effectif, excluant les jours de congés payés ou de maladie.

Or, selon le droit de l’Union Européenne, toute mesure susceptible de dissuader un salarié de prendre ses congés payés est prohibée, notamment lorsqu’elle engendre un désavantage financier.

Compte tenu de la primauté du droit européen, la Cour de cassation a écarté, par son arrêt du 10 septembre 2025, la règle française non conforme au droit européen. En effet, un mode de calcul des heures supplémentaires qui néglige les jours de congé payé prive le salarié d’un avantage financier, et peut ainsi le dissuader de jouir de son droit à congé payé.

Désormais, un salarié soumis à un décompte hebdomadaire de sa durée de travail peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires la semaine où il a posé un congé payé, même s’il n’a pas accompli 35 heures de travail effectif. 

Cette décision, applicable dès le 10 septembre 2025, a un impact direct sur les pratiques RH des entreprises : elle impose d’ajuster sans délai le paramétrage de paie et de revoir l’organisation et le suivi du temps de travail, afin de sécuriser les pratiques et de limiter à la fois les risques de contentieux et l’impact financier lié à la hausse potentielle du coût des congés payés.

Décision – Pourvoi n° 23-14.455 | Cour de cassation, chambre sociale

 

EN CHIFFRES

En chiffres

99 € 

C’est le nouveau seuil d’abandon des dettes et créances des organismes de sécurité sociale.

Depuis le 28 juin 2025, les seuils d’abandon de mise en recouvrement pour les créances relevant des organismes de sécurité sociale ont été relevés de 1,27 % du plafond mensuel de la Sécurité sociale à 2,5 % de ce même plafond, soit de 50 € à 99 €. De même, le seuil de non-récupération par les cotisants des trop-perçus de cotisations des organismes de recouvrement est augmenté de manière similaire.

Rappelons que l’acquisition des créances par l’organisme de sécurité sociale en deçà de ce seuil ne peut intervenir qu’après un délai de 12 mois à compter de la date à laquelle ces cotisations, majorations ou pénalités de retard ont été acquittées. Au-delà de ce seuil, le cotisant dispose de 3 ans pour solliciter le remboursement des cotisations indûment versées.

Décret n° 2025-578 du 25 juin 2025 relatif aux règles d'admission en non-valeur et au relèvement des seuils de mise en recouvrement 

 

PANORAMA JURISPRUDENTIEL

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L’Urssaf peut-elle modifier le fondement d’un redressement jusqu’à la mise en demeure ? 

OUI, sous conditions.

Dans un arrêt du 4 septembre 2025, destiné à la publication au Bulletin, la Cour de cassation précise que l’Urssaf peut modifier le fondement juridique d’un redressement jusqu’à l'envoi de la mise en demeure, à condition que le cotisant en soit informé et puisse présenter ses observations.

En l’espèce, une société avait appliqué la déduction forfaitaire spécifique (DFS) à certains salariés (rédacteurs graphiques, directeurs artistiques, chefs de studio, illustrateurs graphiques). À l’issue du contrôle, l’Urssaf avait estimé que la DFS était inapplicable, les salariés concernés n’exerçant pas une profession éligible, en l’occurrence celle de journaliste. Ce n’est que devant la commission de recours amiable que l’organisme a avancé un autre motif de refus : l’absence de preuve que ces salariés exposaient effectivement des frais professionnels notoirement supérieurs à la moyenne, deuxième condition requise pour bénéficier de la DFS.

La cour d’appel de Versailles a retenu que, si les salariés pouvaient être assimilés à des journalistes, l’employeur ne remplissait pas la condition relative aux frais professionnels, et a donc validé le redressement (CA Versailles, 15 sept. 2022, n° 20/01911).

Saisie du pourvoi, la Cour de cassation censure cette décision : l’argument relatif aux frais professionnels n’ayant pas figuré dans la lettre d’observations, la société n’avait pas pu se défendre utilement.

Cet arrêt illustre une application stricte du principe du contradictoire qui guide toute la procédure de contrôle Urssaf au travers des dispositions de l’article R 243-59 du CSS : la lettre d’observations ouvre une période contradictoire préalable à l’envoi de toute mise en demeure, durant laquelle l’employeur doit pouvoir répondre aux griefs de l’Urssaf. Toute modification de fondement non notifiée avant la mise en demeure vicie la procédure.

Décision – Pourvoi n° 22-22.989 | Cour de cassation, 2e chambre civile