LODEOM, CLAP DE FIN ?

 

Depuis une trentaine d’années, plusieurs lois ayant pour objectif de soutenir l’activité économique et le développement des entreprises ultramarines se sont succédé (telles que la loi Perben ou la LOPOM) jusqu’à l’adoption de la loi pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM) en 2009.

Depuis 2014, la LODEOM a été ajustée à travers différentes lois de finances et de sécurité sociale, renforçant les exonérations et supprimant progressivement le CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) pour les entreprises ultramarines (hors Mayotte).

La LODEOM est applicable aux salariés rattachés à un établissement situé en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à la Réunion, à Saint-Barthélemy ou à Saint-Martin. Elle vise à répondre à des problématiques économiques et sociales spécifiques à ces territoires, lesquels font face à des défis importants, notamment en matières de chômage, de compétitivité économique et de pouvoir d’achat.

Le dispositif central de la LODEOM est l'exonération de charges patronales. Son objectif est de diminuer le coût du travail afin d’améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines et d’assurer le maintien dans l’emploi.

Il existe plusieurs barèmes qui déterminent le niveau d’exonération, selon la taille et le secteur de l’entreprise :

  •   - Barème de compétitivité : Pour les entreprises de moins de 11 salariés ou opérant dans certains  secteurs d’activité, avec une exonération totale de charges patronales pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,3 SMIC et dégressive jusqu’à 2,2 SMIC ;

  •   - Barème de compétitivité renforcée : Pour les entreprises de moins de 250 salariés réalisant moins de 50M€ de chiffre d’affaires et opérant dans certains secteurs d’activité, avec une exonération totale de charges patronales pour les rémunérations inférieures ou égales à 2 SMIC et dégressive jusqu’à 2,7 SMIC ;

  •   - Barème d’innovation et de croissance : Pour les entreprises de moins de 250 salariés dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50M€ et dont les salariés réalisent des projets innovants dans le domaine des technologies de l’information et de la communication avec une exonération totale de charges patronales pour les rémunérations inférieures ou égales à 1,7 SMIC et dégressive jusqu’à 3,5 SMIC.

Ce dispositif est concerné par les exigences d’évaluation triennale de l’ensemble des mesures de réduction et d’exonération de cotisations sociales, instaurées par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Dans ce cadre, le gouvernement a mandaté en début d’année 2024, l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) afin qu’ils réalisent une mission d’évaluation sur les dispositifs d’allègements de cotisations sociales applicables en Outre-mer (LODEOM SOCIALE applicable en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, et régime spécifique applicable à Saint-Pierre et Miquelon).

Comme indiqué par la Fédération des Entreprises d’Outre-Mer (FEDOM), les objectifs de cette mission sont notamment « d’établir un état des lieux des dispositifs d’allègements spécifiques applicables en Outre-mer » et de « proposer des évolutions en termes de seuils, d’intensité et de ciblage des secteurs d’activité afin de renforcer le pilotage de la dépense pour l’Etat, ainsi que la cohérence et la lisibilité des dispositifs pour les entreprises ».

Cette mission d’évaluation, dont le rapport devrait être rendu mi-octobre, intervient en pleine préparation du budget 2025 et dans un contexte de forte recherche d’économies. En effet, le Gouvernement a par exemple annoncé en début d’année dix milliards d’euros d’annulations de crédits.

Selon Eric Coquerel, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, les documents budgétaires relatifs à la préparation du budget 2025 transmis par Bercy montrent que « les politiques les plus touchées devraient être l’aide publique au développement (− 18 % sans tenir compte de l’inflation), le sport (− 11 %), l’agriculture (− 6 %), l’Outre-mer (− 4 %), l’écologie (− 1 %) et la santé (− 0,8 %) ».

La LODEOM est financée par l’action n°1 « Soutien aux entreprises », laquelle fait partie du programme 138 « Emploi outre-mer » qui est l’un des deux programmes de la mission Outre-mer du projet de loi de finances pour l’année 2024. L’action n°1 représente 81,8 % des crédits alloués au programme et plus de 60% des crédits alloués à l’ensemble de la mission Outre-mer.

Ce dispositif, qui représente un enjeu financier non négligeable dans le budget alloué aux politiques de l’Outre-Mer, fait cependant l’objet de nombreuses critiques relatives à son efficacité. En effet, si la LODEOM montre un impact positif sur l’emploi salarié dans les entreprises bénéficiaires par rapport à des entreprises analogues en métropole, cet impact demeure inférieur aux cibles fixées (1,9 point contre 2,7 points). De ce fait, l’objectif n’est pas pleinement atteint.

Aussi, du fait de son efficacité relative et afin de répondre aux souhaits d’économies budgétaires, il est probable qu’une réforme de la LODEOM soit envisagée.

La FEDOM s’inquiète que le calendrier prévisionnel de la mission d’évaluation ne permette pas une concertation avec les acteurs concernés avant l’examen d’une éventuelle réforme du dispositif par le législateur. Elle souligne la nécessité de cette concertation afin d’éviter que ladite réforme soit uniquement guidée par la seule volonté de « rabot budgétaire », sans prise en compte des conséquences pour les territoires ultramarins.

Plus que jamais et malgré son rôle historique dans le soutien à l’emploi et à la compétitivité des entreprises ultramarines, la pérennité de la LODEOM, du moins sous sa forme actuelle, est remise en cause.

Dès lors, plusieurs questions se posent : comment adapter cet outil pour qu'il réponde mieux aux défis actuels de l'emploi et du développement économique dans les territoires ultramarins ? Quels seraient les contours d'un dispositif rénové qui soutienne à la fois la compétitivité des entreprises, tout en respectant les contraintes budgétaires ? Et enfin, quelles pourraient être les conséquences d’une telle réforme sur le tissu économique et social des territoires ultramarins ?

Cette newsletter hors-série vise à apporter des éléments de réponse à ces interrogations.

                 I. L'opportunité de maintenir le dispositif LODEOM en l'état

Les récentes manifestations contre la vie chère à La Réunion et aux Antilles montrent à quel point la question du pouvoir d’achat et de la compétitivité économique est cruciale dans les territoires ultramarins. Alors que la France fait face à un déficit budgétaire croissant, des réflexions sont en cours pour réformer ou supprimer certains dispositifs coûteux, dont le dispositif LODEOM, qui joue un rôle central dans la dynamique économique et sociale des Outre-mer. Toutefois, la suppression ou la réduction de ce dispositif pourrait avoir des conséquences désastreuses sur l’emploi, la compétitivité et la stabilité sociale dans ces territoires. Le maintien de la LODEOM apparaît ainsi comme une nécessité pour préserver l'équilibre économique et social ultramarin.

  1.                          A. La LODEOM, un levier crucial pour l’emploi et la compétitivité des entreprises

Le dispositif LODEOM, en vigueur depuis 2009, constitue un pilier essentiel du soutien à l'emploi dans les territoires ultramarins. Chaque année, environ 30 000 emplois sont créés ou maintenus grâce à cette mesure, représentant 8 % de l’emploi total dans ces régions. À La Réunion, entre 2019 et 2021, ce sont 13 200 emplois qui ont vu le jour, illustrant l'importance du dispositif dans la croissance économique et la réduction du chômage. Bien que ce dispositif ne soit pas le seul moteur de ces résultats, il a incontestablement contribué à créer les conditions favorables à cette dynamique. En allégeant les charges patronales, la LODEOM a permis aux entreprises locales de renforcer leur compétitivité, notamment dans des secteurs exposés à une concurrence internationale, et a joué un rôle majeur dans le soutien à l'emploi.

Entre 2018 et 2022, le nombre d’établissements dans les DROM (hors Mayotte) a augmenté de 21 %, contre seulement 14 % en métropole, signe de la vitalité économique relative des entreprises ultramarines[1]. Cette dynamique positive s’accompagne d’une augmentation de la masse salariale de 19 % dans les DROM et même de 34 % pour les entreprises bénéficiant de la LODEOM[2]. Ces entreprises, qui bénéficient des exonérations de charges patronales, sont en mesure de maintenir leur compétitivité face aux surcoûts structurels liés à l’éloignement géographique, aux frais de transport et à la dépendance accrue aux importations.

La LODEOM contribue également à la réduction du chômage. À La Réunion, le taux de chômage a chuté de 29 % en 2013 à 19 % en 2023, soit une réduction significative en une décennie[3]. Dans les autres DROM, le taux de chômage a également diminué, passant de 23% à 18 % entre 2013 et 2023[4]. Bien que ces taux restent supérieurs à la moyenne nationale (7,3 %), cette baisse notable témoigne de l’efficacité du dispositif dans le soutien à l’emploi local. En l’absence de ce soutien, le taux de chômage risquerait de repartir à la hausse, particulièrement dans les secteurs les plus vulnérables comme le BTP, qui constitue le troisième employeur de La Réunion avec près de 20 000 salariés en 2022[5].

En outre, la LODEOM permet aux entreprises de mieux absorber les fluctuations économiques. Le secteur du BTP à La Réunion, par exemple, traverse une période difficile avec une hausse des prix de 25 % entre septembre 2021 et janvier 2023, ainsi qu’une chute des marges de 63 %[6]. Le maintien de la LODEOM permet de contenir ces chocs économiques en allégeant les charges de personnel pour les entreprises, évitant ainsi des licenciements massifs. A titre d’illustration, la défaillance de 530 entreprises dans le secteur de la construction au cours des 12 derniers mois, représentant 25,6 % des défaillances totales dans la région, illustre la vulnérabilité de cette filière[7]. Le dispositif LODEOM est donc un levier indispensable pour soutenir la compétitivité et éviter une dégradation économique encore plus importante.

  1.                            B. La LODEOM, un rempart contre la vie chère et un facteur de stabilité sociale

Les territoires ultramarins sont confrontés à une problématique structurelle : la vie chère, avec un coût de la vie systématiquement plus élevé qu’en métropole. Entre 2019 et 2023, les prix des biens de consommation courante ont fortement augmenté, notamment à La Réunion, où une hausse de 25 % a été observée. Le dispositif LODEOM contribue à atténuer ces effets en permettant aux entreprises de réduire leurs coûts de production, limitant ainsi les augmentations de prix répercutées sur les consommateurs. Dans ces économies insulaires, souvent caractérisées par des situations de monopole dominées par de grands groupes dans certains secteurs, comme à La Réunion, la suppression de la LODEOM risquerait d'accentuer encore la hausse des prix. Sans ce soutien, les entreprises, face à des charges accrues, seraient contraintes d'augmenter drastiquement leurs prix, aggravant davantage la situation sociale déjà tendue dans les DROM.

En protégeant les entreprises locales des surcoûts structurels, la LODEOM agit comme un facteur de stabilisation économique et sociale. Le chômage, bien qu’en baisse, reste particulièrement élevé chez les jeunes, avec un taux supérieur à 30 % dans cette catégorie. La suppression du dispositif entraînerait une pression accrue sur les entreprises, les contraignant à envisager des restructurations pour réduire leurs coûts. Ces restructurations pourraient se traduire par des licenciements économiques massifs, affectant directement l’emploi et fragilisant encore plus le tissu économique. À terme, cette dynamique risquerait de provoquer des défaillances d'entreprises, accentuant la montée du chômage et exacerbant les inégalités économiques. Le soutien à la production locale, permis par les exonérations de charges, est donc indispensable pour éviter un tel scénario et préserver l’emploi tout en réduisant la précarité des ménages.

L'impact positif de la LODEOM sur le tissu économique ultramarin se traduit également par une augmentation du nombre d’établissements et une baisse du taux de défaillances jusqu’à 2022. Cependant, les récentes hausses des prix et la baisse des marges des entreprises risquent d’inverser cette tendance. En effet, les défaillances d'entreprises dans les Outre-mer ont déjà augmenté de 34,2 % en 2023, atteignant des niveaux critiques avec des hausses de +51,9 % en Martinique et +58,3 % à La Réunion[8]. Cette augmentation alarmante est un indicateur clair que les entreprises ultramarines sont de plus en plus vulnérables face aux fluctuations économiques. La suppression de la LODEOM, ou même sa réduction, viendrait accentuer cette tendance, provoquant de nouvelles faillites et une augmentation du chômage.

Le secteur du BTP, qui représente une part importante de l’emploi à La Réunion, est particulièrement touché. Avec 19 485 salariés en 2022, il est le troisième employeur de l’île, mais également l’un des plus fragiles. La chute de 25 % du chiffre d’affaires par salarié dans ce secteur, couplée à une augmentation des coûts de construction, met en danger la pérennité de nombreuses entreprises locales[9]. Sans les exonérations de charges offertes par la LODEOM, le secteur du BTP subirait de plein fouet une hausse des coûts salariaux, provoquant une vague de licenciements pour motif économique et la fermeture de plusieurs entreprises clés. A noter qu’il y a seulement six mois, le secteur du BTP, déjà conscient de sa vulnérabilité, demandait un renforcement du barème LODEOM pour mieux affronter ses difficultés économiques grandissantes. Aujourd'hui, ce même secteur risque de perdre les bénéfices de la LODEOM classique, aggravant encore davantage sa situation.

Ainsi, la LODEOM ne constitue pas seulement un levier pour soutenir l’emploi et la compétitivité des entreprises, mais elle est aussi un rempart contre un hypothétique effondrement économique et social dans les territoires ultramarins. La suppression de ce dispositif sans une alternative appropriée pourrait entraîner des conséquences importantes, en aggravant le chômage et en amplifiant les inégalités économiques, avec des effets directs sur les populations les plus vulnérables[10].

Cependant, dans un contexte économique marqué par un déficit budgétaire croissant, la France se voit contrainte de réévaluer l’efficacité de ses dispositifs d’exonérations sociales. Avec un coût cumulé de 5 milliards d’euros entre 2019 et 2023 pour la LODEOM[11], et face à la pression pour réaliser des économies, certains analystes et décideurs politiques militent pour une réforme des dispositifs d’exonérations afin de mieux cibler les salaires intermédiaires et favoriser des emplois mieux rémunérés. Dans cette optique, un débat s'ouvre sur la nécessité de réformer la LODEOM. Serait-il possible d’ajuster ce dispositif sans compromettre la stabilité des entreprises locales et des emplois ? Dans un contexte où des économies sont attendues, il est difficile d’imaginer que les DROM puissent être exemptés de ces efforts.

  1.                 II. Les arguments en faveur de la disparition de la LODEOM

Si le dispositif LODEOM joue un rôle central dans le soutien à l’économie des territoires ultra-marins, son ciblage large et son architecture actuelle montrent des limites, notamment en matière de création d’emplois qualifiés et de développement de secteurs à forte valeur ajoutée. Une réflexion sur son adaptation aux spécificités locales s’avère essentielle pour maximiser son impact et soutenir une croissance durable.

  1.                        A. Un ciblage inadéquat des secteurs économiques

Le dispositif LODEOM couvre un large éventail de secteurs économiques, mais son ciblage actuel limite parfois son efficacité. Certains secteurs d’activité bénéficient d'exonérations sans être les plus stratégiques ou les plus dynamiques en termes de création d'emplois. Par exemple, bien que les secteurs du tourisme et de l’agriculture soient des piliers de l’économie réunionnaise et soient éligibles à des exonérations significatives, les résultats en matière d’emploi restent mitigés. Ces secteurs sont en effet très sensibles aux aléas économiques mondiaux, notamment en raison de leur dépendance aux flux touristiques internationaux ou des fluctuations des prix des matières premières agricoles.

En revanche, même si certains secteurs porteurs comme les énergies renouvelables et les technologies de l’information et de la communication sont déjà favorisés par les exonérations LODEOM, leur potentiel reste insuffisamment exploité. À La Réunion, le secteur des énergies renouvelables a certainement un rôle clé à jouer dans la transition énergétique de l’île, mais il fait encore face à des défis structurels qui limitent sa capacité à générer des emplois massifs et durables. De plus, malgré les avantages liés aux exonérations, les entreprises de ces secteurs doivent souvent composer avec des infrastructures insuffisantes et un manque de main-d'œuvre qualifiée.

L’un des principaux problèmes réside donc moins dans l’absence de soutien à ces secteurs que dans la nécessité de mieux adapter les exonérations aux réalités locales. Le ciblage actuel reste trop large et disperse les ressources sans toujours tenir compte des besoins spécifiques de chaque secteur ou du niveau de maturité de l’écosystème local. Il en résulte un impact limité sur la création d'emplois qualifiés et sur le développement de nouvelles filières économiques, pourtant essentielles pour diversifier l’économie réunionnaise.

Un meilleur ajustement du dispositif pourrait passer par un ciblage plus fin des entreprises et des secteurs à fort potentiel de développement et de création d'emplois, en tenant compte des réalités économiques locales et de la capacité des secteurs à répondre aux besoins futurs de l'île.

  1.                            B. Une architecture d’exonération inadaptée

Le dispositif LODEOM repose actuellement sur des seuils d’exonération exprimés en multiples de SMIC, avec une exonération totale jusqu’à un certain seuil (i.e. seuil d’inflexion) et une dégressivité progressive au-delà, qui varie selon les barèmes (compétitivité, compétitivité renforcée, innovation et croissance) jusqu’à un autre seuil (i.e. seuil de sortie). Bien que ce mécanisme vise à favoriser l’embauche de travailleurs peu qualifiés en limitant les charges sociales sur les bas salaires, il présente des limites importantes lorsqu'il s'agit de répondre aux spécificités économiques de La Réunion et des autres territoires ultra-marins.

Le lien entre l'exonération et le SMIC crée une rigidité qui peut s'avérer inadaptée pour des secteurs à forte valeur ajoutée ou nécessitant une montée en compétences. Plus encore, la dégressivité actuelle, qui réduit progressivement les exonérations à partir de 1,3 SMIC ou 2 SMIC, selon le barème, n'encourage pas suffisamment la progression salariale. Ce mécanisme de diminution des exonérations crée un effet de seuil, où les entreprises peuvent hésiter à augmenter les salaires de leurs employés pour éviter de perdre les avantages sociaux afférents. Cette dynamique freine la progression des compétences, car les entreprises sont moins incitées à investir dans la formation et à offrir des rémunérations plus élevées

                              C. Une architecture d’exonérations adaptée aux spécificités locales

Face aux impératifs budgétaires, le gouvernement dispose de plusieurs options pour ajuster le dispositif LODEOM. Chacune présente des avantages et des limites qu'il convient d'examiner avec attention.

  1. 1. Option de supprimer la LODEOM sans compensation - La suppression totale de la LODEOM, sans remplacement par un autre dispositif, représente une option radicale. Cependant, elle est difficilement envisageable compte tenu des indicateurs économiques actuels dans les territoires ultra-marins. La Réunion, en particulier, affiche des taux de chômage élevés et une structure économique encore fragile, fortement dépendante des exonérations pour soutenir l'emploi dans plusieurs secteurs clés, comme l’agriculture, le tourisme et les services. Comme nous l’avons précisé plus haut, supprimer ce mécanisme sans alternative mettrait en péril de nombreuses entreprises locales et pourrait aggraver la situation socio-économique de l'île, en particulier pour les emplois peu qualifiés, qui bénéficient fortement des exonérations actuelles. Cette option, bien que possible dans une optique de réduction des dépenses publiques, pourrait avoir des conséquences néfastes sur la cohésion sociale et la stabilité économique de La Réunion.

  2. 2.  Option de modifier la LODEOM - Une autre option consisterait à modifier la LODEOM, en ajustant certains paramètres du dispositif pour mieux l’adapter aux réalités économiques actuelles. Par exemple, le gouvernement pourrait envisager de réduire les seuils d'exonération ou de renforcer la dégressivité au-delà d'un certain niveau de rémunération, tout en continuant à soutenir les emplois peu qualifiés. Cependant, comme évoqué précédemment, cette approche risquerait de maintenir des limites structurelles existantes. La LODEOM, dans sa forme actuelle, ne répond pas suffisamment aux enjeux de montée en compétences ni aux besoins des secteurs à forte valeur ajoutée. En modifiant simplement les paramètres actuels, le risque serait de conserver un dispositif qui continue de privilégier l'emploi à bas salaire sans encourager la progression salariale, l'innovation ou l'attraction des talents qualifiés. Ainsi, une simple modification de la LODEOM pourrait ne pas être une solution durable.

  3. 3. Option de créer un nouveau dispositif avec une architecture nouvelle - La création d’un nouveau dispositif d’exonération représente une troisième option, plus ambitieuse mais potentiellement plus efficace sur le long terme. Ce nouveau mécanisme pourrait s'appuyer sur une architecture différente, basée sur des paliers de rémunération et des exonérations modulées selon les secteurs d'activité et les objectifs économiques. De plus, ce dispositif pourrait intégrer une modulation des exonérations en fonction de la performance des entreprises sur des critères sociaux tels que la création d'emplois qualifiés, l'investissement dans la formation et la progression salariale. Ce modèle, inspiré du bonus-malus de l'assurance chômage, permettrait d’aligner les exonérations sur les réalités économiques locales tout en stimulant la montée en compétences et l’innovation. Cette option serait non seulement une réponse plus moderne aux défis actuels, mais elle permettrait également de maximiser l'impact des exonérations sur le développement économique et la création d’emplois durables dans les territoires ultra-marins.

En somme, bien que la suppression de la LODEOM présente des avantages budgétaires immédiats, elle serait difficilement justifiable au regard des conséquences économiques et sociales qui en découleraient. La modification du dispositif pourrait apporter quelques améliorations, mais resterait limitée. La création d’un nouveau mécanisme d'exonération adapté aux spécificités locales et aux objectifs de développement apparaît donc comme l'option la plus cohérente et la plus prometteuse pour soutenir une croissance durable dans les territoires ultra-marins.

***

Le gouvernement devrait présenter le projet de loi de finances le 10 octobre prochain en Conseil des ministres et l’examen de la première partie du budget – consacré aux recettes - a été programmé dans l’hémicycle de l’Assemblée du lundi 21 au vendredi 25 octobre prochain. L’examen de la seconde partie, consacré aux dépenses, devrait quant à lui avoir lieu début novembre. En parallèle, débutera également l’examen du projet de loi de financement à la Sécurité sociale le 28 octobre prochain.

Aussi, nous aurons rapidement connaissance des orientations concrètes envisagées concernant le dispositif LODEOM.

Comme indiqué, de nombreuses options sont possibles mais, quelles que soient les réformes éventuelles retenues par le Gouvernement, un arrêt brutal de la LODEOM est difficilement envisageable au regard des effets économiques et sociaux néfastes que celui-ci engendrerait.

À cet égard, on peut rappeler l'exemple de la suppression de la déduction forfaitaire spécifique (DFS) pour frais professionnels. Dans ce cas précis, une solution de compromis a été admise par le ministre des Comptes publics pour des secteurs particulièrement sensibles, lesquels ont pu bénéficier d’une sortie progressive du dispositif. Dans le secteur du BTP par exemple, cette diminution progressive s’étale sur une durée de 10 ans. Aussi, il est possible qu'une approche similaire soit adoptée pour la LODEOM.

Les prochaines semaines seront ainsi déterminantes pour l’avenir de la LODEOM et nous restons évidemment attentifs et proactifs dans le suivi des discussions parlementaires à venir, afin de pouvoir anticiper les éventuelles évolutions législatives et accompagner au mieux les entreprises locales.                         

Capture

Tom MEZONNIAUD

Associé, HERA GROUPE

 

[1] Position FEDOM LODEOM, p. 14
[2] Position FEDOM LODEOM, p. 15
[3] Position FEDOM LODEOM, p. 16
[4] Position FEDOM LODEOM, p. 17
[5] PLF 2024 PAP Outre-mer, p. 12
[6] PLF 2024 PAP Outre-mer, p. 12
[7] Position FEDOM LODEOM, p. 20
[8] Position FEDOM LODEOM, p. 23
[9] PLF 2024 PAP Outre-mer, p. 18
[10] Position FEDOM LODEOM, p. 28
[11] Position FEDOM LODEOM, p. 30