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À LA UNE

Budget 2026 : les principales mesures sociales dévoilées
François Bayrou, Haut-commissaire au Plan, a dévoilé le 15 juillet un plan d’économies de 40 milliards d’euros, visant à réduire le déficit public et à renforcer la compétitivité nationale.
Parmi les principales mesures proposées :
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- La suppression de deux jours fériés : le lundi de Pâques et le 8 mai sont cités parmi les jours potentiellement concernés,
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- L’instauration d’une « année blanche » en 2026, sans revalorisation des prestations sociales ni des barèmes fiscaux,
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- La suppression de la visite médicale de reprise pour les arrêts maladie de moins de 30 jours (hors AT/MP), la reprise pouvant être décidée directement par le médecin traitant,
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- Le lancement d’un chantier sur l’assurance chômage et le droit du travail, visant à accroître le taux d’emploi des jeunes et des seniors.
Ce plan amorce un tournant vers une politique de rigueur assumée, avec des mesures sociales structurantes qui pourraient impacter les employeurs à plusieurs niveaux.
Nous reviendrons prochainement en détail sur ces mesures, au fur et à mesure de la publication des textes officiels et de la précision des contours réglementaires.
Réforme de l’entretien professionnel : ce qui devrait changer au 1er octobre 2026
Dans le cadre de la future loi sur l’emploi des seniors et le dialogue social, l’entretien professionnel tel qu’instauré en 2014 devrait évoluer dès 2026 pour devenir l’entretien de parcours professionnel. L’objectif affiché est de mieux accompagner les salariés dans la durée, notamment en adaptant la fréquence et le contenu des échanges.
Une nouvelle périodicité
Le premier entretien devra impérativement se tenir dans l’année suivant l’embauche. Ensuite, et tant que le salarié reste dans la même entreprise, cet entretien devra être renouvelé tous les quatre ans (au lieu de tous les deux ans actuellement). Un état des lieux récapitulatif devra également être réalisé tous les huit ans (au lieu de six actuellement).
À noter : un entretien devra également être proposé à l’issue d’une longue absence (maladie, maternité, etc.), si aucun entretien n’a eu lieu dans les 12 mois précédents.
Par ailleurs, à compter du 1er octobre 2026, les accords d’entreprise ou de branche fixant une périodicité différente devront être mis en conformité : aucun accord ne pourra désormais prévoir une fréquence d’entretien excédant quatre ans.
Un contenu enrichi et structuré
Le contenu de l’entretien sera désormais encadré par la loi. Il devrait porter sur :
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- Les compétences mobilisées dans le poste actuel et leur évolution possible au regard des transformations de l’entreprise,
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- Le parcours professionnel du salarié en lien avec les évolutions des métiers et les perspectives d’emploi dans l’entreprise,
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- Les besoins de formation, qu’ils soient liés au poste occupé, à une évolution de l’emploi ou à un projet personnel,
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- Les souhaits d’évolution professionnelle, y compris en matière de reconversion ou de mobilité,
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- L’utilisation du compte personnel de formation (CPF), les éventuels abondements de l’employeur et les dispositifs d’accompagnement mobilisables.
Un appui renforcé pour les PME
Les salariés des entreprises de moins de 300 salariés pourront être accompagnés par le dispositif du Conseil en évolution professionnelle pour préparer leur entretien. Les employeurs, eux, pourront s’appuyer sur leur OPCO ou un prestataire externe si un accord le prévoit.
Sanctions en cas non-respect de l’obligation
Toutes les entreprises d’au moins 50 salariés devront se conformer à ces obligations, sous peine d’un abondement correctif sur le CPF du salarié au terme de la période de 8 ans.
Le texte, adopté en commission mixte paritaire, doit désormais être définitivement adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat dans le cadre du projet de loi de transposition des accords nationaux interprofessionnelle intégrant cette réforme.
ACTUALITÉS SOCIALES
Congés payés et arrêt maladie : la France mise en demeure par la Commission européenne
La Commission européenne a mis en demeure la France le 18 juin 2025 pour non‑respect de la directive 2003/88/CE sur le temps de travail, lui reprochant de ne pas prévoir le report des jours de congés annuels lors d’un arrêt maladie. Cette mise en demeure intervient après les arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, qui avaient retenu la primauté du droit européen pour garantir aux salariés l’acquisition de leurs congés payés durant un arrêt maladie.
Selon la Commission, la législation française ne garantit pas que les salariés malades au cours de leurs congés puissent récupérer ultérieurement les journées non prises, alors même que la CJUE a clairement établi que le congé annuel rémunéré vise à offrir une véritable période de repos, distincte du congé maladie dédié au rétablissement (CJUE, 21 juin 2012, aff. C‑78/11).
La loi n° 2024‑364 du 22 avril 2024 n’a pas apporté de précision sur ce point, et la jurisprudence constante de la Chambre sociale (Cass. soc., 4 déc. 1996, n° 93‑44.907) considère que l’employeur est libéré de ses obligations dès lors qu’il verse l’indemnité de congés payés. Cependant, la cour d’appel de Versailles a renversé cette approche dans un arrêt du 18 mai 2022 (17e ch., n° 19/03230), estimant que l’arrêt maladie suspend le cours des congés payés et ouvre droit à leur report après reprise du travail. Le ministère du Travail conseille aux employeurs de s’aligner sur cette décision pour éviter « tout contentieux inutile ».
La France dispose désormais de deux mois pour répondre à la lettre de mise en demeure. À défaut de réponse satisfaisante, la Commission pourrait adresser un avis motivé, puis, en dernier ressort, saisir la CJUE. En cas de silence ou d’inaction du Gouvernement, il est également possible que la Chambre sociale de la Cour de cassation soit conduite à réexaminer la question, à l’instar des décisions rendues en septembre 2023.
Procédures d'infraction du mois de juin : principales décisions
Accident du travail : de nouvelles mesures de prévention dévoilées
Lors de la réunion du Comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) le 11 juillet 2025, la ministre chargée du Travail a fixé cinq grands axes de réflexion aux partenaires sociaux en vue de la prochaine version du « plan santé au travail », qui entrera en vigueur en 2026.
Parmi les mesures envisagées figurent :
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- L’interdiction générale de travailler sous l’emprise de substances psychotropes, incluant alcool et drogues,
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- L’interdiction temporaire pour les employeurs condamnés pour faute inexcusable ou pour homicides et blessures involontaires de recruter apprentis et stagiaires,
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- La publication des condamnations des employeurs sur le site officiel du ministère pour plus de transparence,
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- L’instauration d’une obligation de formation à la santé et à la sécurité au travail pour tous les employeurs,
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- La mise en place d’une procédure obligatoire de rédaction et de transmission d’un rapport d’analyse à destination des instances représentatives du personnel et de l’inspection du travail après tout accident grave.
L’objectif de ces mesures est clair : réduire de manière significative le nombre d’accidents du travail, en particulier les plus graves, en responsabilisant tous les acteurs concernés et en renforçant la culture de prévention.
EN CHIFFRES
0,25 %
C’est le taux de la cotisation AGS reconduit au 1er juillet 2025 par le conseil d’administration de l’AGS. Après avoir été fixé à 0,15 % entre juillet 2017 et décembre 2023, puis relevé à 0,20 % début 2024, le taux a été porté à 0,25 % en juillet 2024 et reste inchangé.
Entièrement à la charge de l’employeur, cette cotisation permet de garantir le paiement des sommes dues aux salariés (salaires, préavis, indemnités de rupture, etc.) en cas de procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Elle s’applique sur une assiette plafonnée à quatre fois le plafond mensuel de la Sécurité sociale, soit 15 700 € par mois en 2025.
Conseil d'administration de l'AGS du 26 juin 2025
PANORAMA JURISPRUDENTIEL
Le licenciement pour inaptitude d’un salarié peut-il être jugé nul s’il résulte d’un harcèlement moral ?
OUI, si un lien direct est établi entre le harcèlement et l’inaptitude.
Dans une affaire jugée par la Cour de cassation le 6 mai 2025 (Cass. soc., n° 23-17.005), un salarié licencié pour inaptitude, suite à un arrêt de travail pour dépression, contestait la rupture de son contrat. Il soutenait que cette inaptitude résultait directement de faits de harcèlement moral subis au travail.
La cour d’appel avait donné raison au salarié, estimant que la dégradation des conditions de travail, étayée par des témoignages et un rapport du médecin du travail, avait conduit à son état de santé. Pour fonder sa décision, elle s’était référée aux articles L.1152-2 et L.1152-3 du Code du travail, qui interdisent toute sanction ou licenciement à l’encontre d’un salarié ayant subi ou refusé de subir un harcèlement moral, déclarant nulle toute rupture du contrat contraire à ces dispositions.
L’employeur avait alors contesté cette décision devant la Cour de cassation, arguant que le lien entre harcèlement et inaptitude n’était pas suffisamment établi.
La Cour de cassation a rejeté cet argument, confirmant la nullité du licenciement. Elle a estimé que les juges du fond avaient démontré de façon satisfaisante que le licenciement pour inaptitude était la conséquence directe du harcèlement subi par le salarié.
Les récentes décisions de la Cour de cassation traduisent un durcissement de la jurisprudence en matière de harcèlement moral. Il est donc impératif pour les employeurs de veiller au respect de leur obligation de santé et sécurité à l’égard des salariés, sous peine de s’exposer à de lourdes conséquences financières.
Cass. soc., 6 mai 2025, n° 23-17.005
Pourvoi n° 23-14.492 | Cour de cassation
Le juge judiciaire peut‑il contrôler la proportionnalité des majorations de retard prononcées par les Urssaf ?
OUI.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a, par son arrêt du 10 avril 2025, modifié la donne en distinguant désormais les majorations punitives, destinées à empêcher et sanctionner les retards de déclaration, des intérêts de retard, qui ne sont que la réparation du préjudice financier subi par l’organisme.
Jusqu’alors, les juges considéraient l’ensemble des majorations comme une simple compensation, interdisant tout ajustement à leur montant. Dorénavant, et au visa de l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, le juge judiciaire, saisi régulièrement selon la procédure de l’article R. 243‑20 du code de la sécurité sociale, doit apprécier si la sanction pécuniaire est proportionnée à la gravité de l’infraction commise.
Ce réexamen de sa jurisprudence s’explique par la décision du Conseil constitutionnel qui a jugé que les majorations à la suite du manquement de l'employeur à ses obligations destinées à financer la C3S constituent une sanction à caractère punitif (C. constit. 2018-736 QPC, 5 oct. 2018).
Cette évolution jurisprudentielle ouvre aux entreprises une véritable marge de manœuvre pour contester les majorations excédant ce qui est nécessaire pour réparer un préjudice ou dissuader le manquement. Pour en bénéficier, il est essentiel de constituer dès l’étape amiable un dossier étayant les circonstances exceptionnelles (crise sanitaire, difficultés techniques, etc.), de démontrer l’absence de préjudice réel pour l’Urssaf et d’établir la bonne foi de l’entreprise.
Cass. 2e civ., 10 avril 2025, n° 22-22.815